Coup de projecteur sur une tribune collective publiée sur Centre Inffo il y a quelques semaines et portée par de nombreux acteurs de l’enseignement supérieur mobilisés en faveur de la transition éducative. Les signataires posent la question de savoir comment la planification écologique vers laquelle nos sociétés se dirigent doit intégrer les aspirations de la jeunesse, susciter de nouvelles vocations en faveur de la transition écologique, et donc et remettre en cause les modèles de l’orientation scolaire.
Très justement, la tribune démontre qu’en l’ « absence d’une conception politique et d’une philosophie de la jeunesse », notre société ne s’avère pas capable de répondre à la fuite des jeunes très diplômés loin des entreprises ou des grandes institutions, de faire face au décrochage d’une majorité de jeunes qui plongent dans la précarité, et surtout de susciter l’élan enthousiaste dont nous avons besoin pour entraîner le basculement écologique.
Cet appel auquel je m’associe suscite 3 interrogations :
- Comment réformer l’orientation et la mettre au service de la transition écologique quand le socle éducatif qui a fait la fierté de notre pays se fissure ? Depuis 20 ans, le recul régulier de la France dans les enquêtes internationales comme les constats partagés sur le niveau des élèves, l’accroissement des inégalités au sein du modèle éducatif ou le découragement des enseignants minent la confiance dans notre institution scolaire. Il me semble que la question de l’orientation passe après notre capacité à offrir à tous un projet éducatif restauré. Ou plutôt, la réforme de l’orientation doit trouver sa place dans une ambition nationale de restauration d’un socle éducatif juste et de qualité. Car précisément, trop de jeunes sortent du collège et du lycée sans les compétences de base, l’esprit critique, le courage, la créativité, la confiance en eux et en l’avenir tant nécessaires pour relever les défis contemporains et acquérir ensuite les compétences professionnelles qui leur permettront d’y faire face.
- Je m’interroge aussi sur l’obstacle culturel que représente la course aux diplômes et la recherche de parcours de formation prolongés sur des durées qui semblent décalées avec les besoins de notre société. Dans les années 1990 et 2000, l’idée qu’émergeait une « société de la connaissance » a poussé les institutions à ouvrir au plus grand nombre la perspective d’études longues et souvent théoriques. Or le drame des confinements successifs en 2020 et 2021 – préfiguration du monde qui vient ? — a montré que nos sociétés avaient d’abord besoin pour tenir le choc de professionnels et de citoyens dotés de compétences pratiques renforcées par une expérience professionnelle incontestable, et capables de manifester de grandes qualités de cœur (oubli de soi, sens de l’engagement, disponibilité, responsabilité…). Revoir l’orientation à l’heure de la transition écologique, n’est-ce pas aussi revoir la façon dont nous valorisons socialement et récompensons matériellement ceux qui nettoient, entretiennent, soignent, enseignent, accompagnent, alimentent, produisent, cultivent, protègent… ?
- Enfin, à côté de la nouvelle classe écologique appelée « Génération Thunberg » par les signataires, n’oublions pas qu’ils sont probablement plus nombreux les jeunes qui vivent dans l’ignorance des enjeux écologiques et des responsabilités qui les attendent. L’omniprésence des écrans, les addictions, l’environnement technologique et la culture consumériste maintiennent beaucoup de jeunes des milieux populaires dans des bulles cognitives qui les tiennent à l’écart de ce qui semble une évidence pour les jeunes de la « Génération Thunberg ».
François-Xavier Huard