Parcoursup est devenu en 5 ans la principale voie d’accès aux formations du supérieur. Au cours de la récente campagne présidentielle, les slogans n’ont pas manqué pour disqualifier ou au contraire louer les mérites de la plateforme : « ignominie », « brise-vocation », « Koh Lanta de l’orientation professionnelle », « boîte noire », et bien sûr « formidable réussite » pour ses promoteurs (1). Alors, qu’en penser ? Juste ou injuste, Parcoursup ?
L’équipe d’EVOCAE a plongé aux côtés des jeunes de la 1ère promotion du programme, composée d’étudiants et de néo-bacheliers, pour se frotter aux différents systèmes d’accès à l’enseignement post bac. 6 mois après le début du parcours, les résultats sont là : sur 16 jeunes qui ont suivi le parcours, 13 ont été reçus dans l’établissement et la formation qu’ils avaient demandés prioritairement ; 2 ont choisi de démarrer leur vie professionnelle et travaillent aujourd’hui dans le domaine qu’ils ont choisi ; 1 étudiante a quitté le programme faute d’engagement.
1èr enseignement: l’offre de formation en France est foisonnante. Il est pour ainsi dire impossible de ne pas trouver le dispositif de formation adéquat tant il existe d’alternatives. La libéralisation de l’apprentissage depuis 3 ans a encore accru l’offre de formation, alimentée depuis 20 ans par la démographie dynamique de la France et par la course aux études longues et aux diplômes. Parcoursup n’est qu’une modalité d’accès aux études post-bac : nombre d’écoles, de CFA, d’entreprises, de dispositifs sociaux et d’insertion performants proposent des parcours de formation utiles, efficaces sans passage obligé par la plateforme Parcoursup. Ne nous en privons pas !
2ème enseignement: l’information est partout, mais l’accès à la bonne information est difficile. A mesure que l’offre de formations se développe dans tous les secteurs et pour tous les publics, et que les technologies ont supprimé les limites à la production et à la communication d’informations sur ces formations, le défi pour tous est devenu la capacité de chacun à récolter et à organiser l’information utile. Peu le font car bien chercher c’est d’abord savoir ce qu’on cherche. Trier tant d’informations demande en effet des capacités d’analyse et une persévérance qui sont loin d’être à la portée de tous.
3ème enseignement: faire un choix d’orientation est autre chose que rassembler de l’information. A EVOCAE, nous pensons qu’orienter un jeune est d’abord un acte d’éducation au choix. Or éduquer demande du temps. Que faire quand le modèle d’orientation favorise les jeunes qui vont vite et empruntent des chemins balisés et sans détour? Et pour ceux qui ont besoin de temps, comment les aider quand l’époque nous enjoint d’accélérer sans cesse nos processus et nos rythmes de vie, nous rendant de moins en moins capables de consacrer du temps aux choses incompressibles?
4ème enseignement: trop de jeunes restent seuls face à la complexité de leur environnement. Trop de dispositifs s’adressent aux jeunes comme si les outils les rendaient autonomes. La plupart des jeunes n’ont pas l’autonomie qu’on leur prête, et les outils technologiques entretiennent leur isolement face aux grandes questions existentielles qui traversent leur vie. Pour éduquer et accompagner, il faut des personnes formées et disponibles et ensuite seulement quelques outils… « intelligents ».
Alors, injuste Parcoursup ? La plateforme est un miroir de notre société technologique: l’outil ne doit pas nous exonérer de nos responsabilités vis-à-vis des jeunes. Sous les apparences de la facilité et de la rapidité, l’usage éclairé de Parcoursup demande en fait du temps, une éducation, des personnes formées et disponibles pour accompagner ceux qui en ont besoin: notre responsabilité est d’insérer cet outil dans un écosystème éducatif à la hauteur des enjeux de l’orientation.
François-Xavier Huard, directeur d’EVOCAE
(1) https://www.liberation.fr/societe/education/parcoursup-lyceens-et-etudiants-ont-jusqua-minuit-pour-remplir-leurs-voeux-20220329_HQT4BIFI35BKDGNUVOZDLOWG6U/